Dans la course effrénée qu’est devenue la décarbonation du secteur automobile, deux géants allemands – Daimler et BMW – s’observent, se défient et se copient presque depuis un siècle. Berceaux de la Benz Patent-Motorwagen et des lignes pures de la Série 3, ils s’opposent aujourd’hui sur un nouveau front : qui mène vraiment la transition énergétique automobile ? Des berlines électriques EQ aux citadines BMW i, des plateformes logicielles maison aux partenariats avec des producteurs d’électricité verte, la rivalité n’est plus seulement affaire de chevaux vapeur mais de kilowatt-heures, de CO₂ évité et d’écosystèmes de recharge. Les prochaines pages plongent dans l’histoire, décortiquent les chiffres, croisent études de cas et anecdote d’usine, pour mettre en lumière la part de pionnier de chacun. À l’heure où 2025 s’affiche sur les calendriers industriels et où les réglementations européennes serrent la vis, chaque décision compte : batterie solide, hydrogène, autopartage ou gigafactory ? Attention, le verdict pourrait surprendre ⚡🚗.
Les racines historiques : du moteur à essence au premier prototype électrique
Revenir au XIXe siècle éclaire la façon dont Daimler et BMW envisagent, aujourd’hui encore, l’innovation énergétique. En 1882, Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach bricolent dans leur serre de Cannstatt un moteur essence haute vitesse, convaincus qu’il devra un jour propulser aussi bien un bateau qu’un dirigeable. Quelques années plus tard, Karl Benz commercialise la Benz Patent-Motorwagen – l’ancêtre direct des véhicules particuliers.
Chez BMW, l’aviation a été la première obsession : l’hélice bleu-blanc du logo rappelle les moteurs d’avions livrés à la Luftstreitkräfte. Lorsque la marque rachète en 1923 les brevets d’Austro-Daimler, elle obtient également des plans de génératrices électriques embarquées ; un détail passé inaperçu mais qui anticipe l’hybridation moderne.
Dates clés marquant l’éveil « vert »
- 🌱 1972 : Mercedes-Benz (marque phare de Daimler) développe une 220D convertie à l’énergie solaire pour les JO de Munich.
- 🔋 1972 bis : BMW expose la 1602 e, citadine électrique à batteries plomb-acide, autonomie : 30 km.
- ♻️ 1997 : Smart City Coupé, future forteresse de l’électrique urbaine, voit le jour sous l’égide de Daimler.
- ⚡ 2009 : lancement du programme BMW i, couveuse de technologies zéro-émission.
- 🏁 2014 : Mercedes-Benz équipe sa S 500 Plug-In d’un premier module hybride haute tension.
Ces repères montrent deux philosophies : Daimler capitalise sur les vitrines technologiques (classe S, Maybach) tandis que BMW mise sur la démocratisation graduelle, de la Série 1 à la MINI Electric.
Point de comparaison 🚀 | Daimler | BMW |
---|---|---|
Premier concept 100 % électrique | Mercedes 220D Solar (1972) | BMW 1602 e (1972) |
Gamme « zéro émission » dédiée | EQ (2016) | BMW i (2013) |
Citadine emblématique | Smart EQ Fortwo | MINI Electric |
Luxury flagship ⚜️ | Maybach EQS SUV | Rolls-Royce Spectre (groupe) |
🔑 Dernière ligne : Bien que Rolls-Royce appartienne au groupe BMW, Maybach se positionne déjà sur un SUV électrique, signe qu’une bataille de prestige se joue aussi chez les ultra-luxueux.
Stratégies d’électrification : EQ vs BMW i, deux visions concurrentes de la batterie
Lorsqu’en 2016 Mercedes-Benz EQ apparaît au Mondial de Paris, beaucoup y voient une réponse directe à la i3 apparue trois ans plus tôt. La réalité est plus nuancée. Daimler centralise alors ses programmes e-Drive, hybridation, power electronics, tandis que BMW segmente : les plateformes CLAR (multi-énergie) côtoient la « cluster architecture » Neue Klasse consacrée à l’électrique pur.
La bataille du pack 🔋
Les ingénieurs Daimler misent sur les cellules NMC (Nickel-Manganèse-Cobalt) fournies par CATL : densité 270 Wh/kg, refroidissement liquide et chimie flexible. De son côté, BMW opte pour le prisme modulaire, annoncé sur la i4 : cellules cylindriques 46×120 mm, structure « cell-to-pack » pour économiser 20 % de poids.
- ⚙️ Temps de charge EQE : 10 % → 80 % en 31 min sur 170 kW.
- ⚙️ Temps de charge i5 : 10 % → 80 % en 28 min sur 205 kW.
- 🌡️ Gestion thermique active chez les deux, mais BMW ajoute une pompe à chaleur à double étage pour gagner 25 km par hiver.
Autonomie et efficience : chiffres, mais pas seulement
Une EQS affiche 782 km WLTP ; la i7 xDrive60 titille 625 km. Au-delà, Daimler communique sur l’aérodynamique (Cx 0,20) quand BMW revendique une utilisation accrue de matériaux secondaires certifiés (acier vert, aluminium recyclé).
Cette opposition illustre un dilemme : doit-on pousser l’autonomie au maximum ou réduire l’empreinte matière ? Le consommateur citadin préfère peut-être recharger tous les trois jours avec un plus petit pack plutôt que de transporter des kilos de cobalt inutilisés.
Partout, l’ombre de Tesla plane : l’ID.3 de Volkswagen a déjà adopté la philosophie « moins d’autonomie, plus de stations ». Daimler comme BMW le savent : la bataille se jouera aussi sur l’infrastructure. C’est pourquoi les deals avec Engie ou TotalEnergies pour couvrir l’Europe en charge rapide abondent dans leurs communiqués.
Hybridation, hydrogène et carburants alternatifs : l’art de diversifier les paris
Tandis que le grand public n’a d’yeux que pour la traction 100 % électrique, les deux groupes allemands investissent encore – prudemment – dans l’hydrogène et les e-fuels. Daimler Truck a livré fin 2024 son premier GenH2 ; BMW vient de mettre 70 X5 Hydrogen en flotte de démonstration.
Pourquoi maintenir plusieurs voies ?
- ⛽ Poids lourds et longue distance : la pile à combustible reste plus légère qu’un pack Li-Ion de 700 km.
- 🛢️ Compatibilité flotte existante : l’e-fuel peut convertir une ancienne 190 E en véhicule neutre en CO₂, si le carburant est lui-même synthétisé à partir de renouvelable (éolien offshore).
- 🎯 Gestion de risque : en multipliant les technologies, chaque groupe couvre ses arrières face aux incertitudes réglementaires.
BMW a signé un MoU avec H2 Energy : 150 MW d’électrolyse d’ici 2028, alimentés par l’hydraulique suisse. Daimler, lui, préfère intégrer la chaîne : Mercedes-Benz Fuel Cell GmbH développe son propre stack, inspiré des bus Citaro Nexo déjà en service à Hambourg.
Les coûts restent élevés : 70 €/kg H₂ vert, 2,50 €/L d’e-fuel synthétique. Pourtant, un comparatif interne évoque un « break-even » dès 2032 si la taxe carbone européenne frôle les 150 €/t – un scénario plausible.
En toile de fond, la montée en puissance d’acteurs comme Iberdrola ou Siemens Gamesa montre que l’approvisionnement en électricité verte n’est pas qu’un détail technique : sans kWh propre, l’hydrogène et la batterie restent gris.
Mobilité partagée : Car2Go, SHARE NOW et la mutation des usages urbains
La question « faut-il produire encore plus de voitures ? » taraude les urbanistes. Daimler dégaina dès 2008 Car2Go : flotte de Smart Fortwo en libre-service, facturation à la minute. BMW riposta avec DriveNow, plus orienté premium : MINI Cooper puis Série 1. En 2019, fusion : SHARE NOW, détenu 50/50, avec 15 000 véhicules, 70 % électriques.
- 🚙 Durée moyenne d’une location : 28 min.
- 📉 Réduction de la possession individuelle : une étude de la ville de Milan montre –13 % d’immatriculations entre 2014-2022 dans les quartiers couverts par l’autopartage.
- 🌍 CO₂ évité : 300 000 t depuis 2010 selon une méthodologie certifiée TÜV.
En 2025, SHARE NOW s’appuie sur un algorithme prédictif développé par Moovel (filiale Daimler) capable d’anticiper la demande 15 min à l’avance, optimisant la recharge et le repositionnement. L’impact : +18 % d’utilisation, –12 % de kilomètres à vide.
Derrière la success-story, une bataille culturelle : la Smart EQ Fortwo incarne la micro-mobilité 🏙️, tandis que le client DriveNow reste séduit par la MINI Electric chic ; deux visions du plaisir de conduite en ville.
Alliances technologiques et conduite autonome : quand le logiciel devient roi
En février 2024, BMW et Daimler annoncent la mise en sommeil de leur co-entreprise sur la conduite autonome : BMW rejoint Mobileye, Daimler poursuit son accord historique avec NVIDIA. Mais chacun réutilise les briques développées en commun : une architecture de capteurs à 21 points et un bus Ethernet 1 GB.
L’enjeu énergétique : une IA efficace consomme moins de tera-ops… donc moins d’électricité. Un Drive Pilot Mercedes, niveau 3, pompe 450 W au fonctionnement, contre 780 W pour un système concurrent chinois. Sur 15 ans de vie, cela représente 0,9 t de CO₂ évité.
- 🤖 Nombre de lignes de code : >200 millions sur l’EQS – plus qu’un Boeing 787.
- 🔌 Puce NVIDIA Orin : gravée en 7 nm, 254 TOPS, 45 W ; BMW adoptera l’Orin X2 de 5 nm en 2026.
- 🛰️ Cartographie HD : HERE WeGo, propriété partagée Audi-BMW-Mercedes, 1,3 million de km d’autoroutes cartographiés en 3D.
Le débat éthique surgit : faut-il autoriser l’auto-stationnement sans conducteur ? Daimler dit oui (valet parking Stuttgart, homologué), BMW attend une législation harmonisée UE. Cette prudence peut retarder le bénéfice environnemental : une place de parking optimisée réduit le besoin d’infrastructures neuves.
Impact sociétal, empreinte carbone et recyclage : calculer pour convaincre
La communication verte n’a de valeur que si les chiffres tiennent la route. Daimler publie un LCA (Life Cycle Assessment) complet pour chaque modèle EQ ; BMW fait de même, validé par TÜV. Sur l’EQB, 22,3 t CO₂ e « cradle-to-grave » contre 27,1 t pour une GLB Diesel.
Analyse de cycle de vie simplifiée
Calculateur d’empreinte CO₂
Grâce à la toolbox ci-dessus, tout lecteur peut constater qu’un trajet de 40 km parcouru en EQB, rechargé avec l’électricité du partenaire Eneco-Greenchoice, émet 2,6 kg de CO₂ par semaine, contre 6,8 kg pour le même trajet en MINI Cooper S thermique.
- ♻️ Taux de recyclage des batteries : 97 % annoncé par Daimler (usine Kuppenheim), 95 % pour BMW (joint-venture avec Northvolt).
- 🔄 Seconde vie : packs EQC reconvertis en stockage stationnaire pour Tesla SolarCity-like micro-grids.
- 🌳 Compensation résiduelle : BMW finance la reforestation de 10 000 ha en Bavière.
La véritable rupture : l’intégration verticale de sources d’énergie renouvelable. Daimler signe avec RWE pour un parc solaire de 500 MW près de Leipzig. BMW préfère un PPA éolien de 300 MW sécurisé auprès d’Ørsted.
Chaîne d’approvisionnement et souveraineté des matières premières
Depuis la crise du nickel indonésien de 2022, chaque constructeur surveille la traçabilité des métaux. Daimler a adhéré au « IRMA » : Initiative for Responsible Mining Assurance, couvrant 80 % de son cobalt. BMW, pionnier, utilise la blockchain « Catena-X » pour certifier chaque lot de lithium.
- 🏝️ Cobalt : réduction de 60 % via chimie LFP pour la prochaine plateforme Mercedes MMA.
- ⛰️ Lithium : extraction géothermique en Alsace, partenariat avec Vulcan Energy.
- 🚢 Transport : BMW teste un cargo à voile Michelin WISAMO, –30 % de fuel.
Les tensions sino-américaines poussent à relocaliser : Daimler ouvre la « eCampus » à Sindelfingen, 3 GWh de capacité de modules ; BMW investit 2 Mds € dans la « Cell Manufacturing Competence » de Parsdorf.
Le cabinet McKinsey estime qu’en 2030, 40 % de la valeur d’un VE reposera sur la batterie. Contrôler la matière, c’est contrôler la marge. D’où l’intérêt du comparatif Aquila-Green Investment pour financer des mines responsables.
Perspectives 2030 : quel pionnier la post-pétrole retiendra-t-elle ?
L’agence BloombergNEF suggère que les ventes mondiales de VE atteindront 59 % en 2030. Daimler proclame un objectif « batterie only » dès 2030, si le marché le permet ; BMW reste « technology-open », misant sur batterie solide et hydrogène.
- 📈 Capacité batterie engagée : Daimler 200 GWh, BMW 240 GWh (incl. partenaires).
- 🌐 Réseau de charge ultrarapide : joint-venture en cours avec SMA-Fronius pour intégrer l’onduleur solaire directement aux bornes, coupant les pertes AC-DC.
- 🛠️ Design to recycle : BMW Neue Klasse annonce un pack extractible en 8 minutes, Mercedes Transition X vise 5 minutes.
- 🏎️ Plaisir de conduite : iM2 (sub-brand M) annoncée à 1 000 kW, contre AMG E-Performance à 1 108 kW.
Le verdict dépendra peut-être de critères plus subtils : la capacité à convaincre les fournisseurs d’électricité de basculer au renouvelable, la vitesse de recyclage des véhicules en fin de vie, voire le sentiment de communauté (clubs de passionnés EQ vs drivers BMW i). Ce qui est certain, c’est que la rivalité profite à l’ensemble du secteur ⚡.
Questions fréquentes sur Daimler, BMW et la transition énergétique
Quelles gammes 100 % électriques sont actuellement disponibles ?
Mercedes Benz commercialise les EQA, EQB, EQC, EQE, EQS et EQV. BMW propose la i3 (fin de production 2024), i4, iX3, iX, i7, i5, ainsi que la MINI Electric.
Qui a l’avantage en matière de charge rapide ?
BMW atteint aujourd’hui 205 kW sur certains modèles, Mercedes annonce 350 kW sur l’EQS avec une architecture 800 V. Sur les trajets longue distance, l’EQS gagne quelques minutes.
Les véhicules hydrogène seront-ils vraiment commercialisés en masse ?
Daimler se concentre pour l’instant sur les bus et camions. BMW vise une petite série X5 Hydrogen avant 2027 ; la démocratisation dépendra des stations et du coût du H₂ vert.
Que deviennent les batteries en fin de vie ?
Les deux groupes les recyclent à >95 % ou les réutilisent dans le stockage stationnaire. Daimler exploite un parc de réserve d’énergie à Lünen utilisant 1 000 modules Smart ED.
L’autopartage va-t-il remplacer la voiture personnelle ?
Pas totalement, mais dans les centres urbains denses, il réduit déjà les immatriculations neuves ; SHARE NOW ou Free2Move promettent de diviser par deux le besoin en stationnement d’ici 2035.