Entre le littoral ventĂ© de FĂ©camp et les plaines de la Saxe-Anhalt, la compĂ©tition entre EDF Renewables et Nordex illustre, mieux quâaucune autre, les nouvelles rĂšgles du jeu Ă©olien en 2025 : la taille des rotors grandit, les chaĂźnes dâapprovisionnement se rĂ©organisent et lâintĂ©gration territoriale devient le nerf de la guerre. DerriĂšre les mĂ©gawatts, une bataille de mĂ©thodes se dessine, oĂč la verticalitĂ© industrielle dâEDF Renewables sâoppose Ă lâagilitĂ© dâun Nordex maĂźtre dans lâoptimisation de sĂ©rie. Tout lâenjeu ? DĂ©crocher chaque gigawatt supplĂ©mentaire avant que lâEurope nâatteigne les 425 GW dâici 2030. Les chiffres, les alliances et les retours dâexpĂ©rience recueillis sur les chantiers â quâil sâagisse du parc offshore de FĂ©camp ou des fermes de la pĂ©ninsule ibĂ©rique â montrent la nuance : lâavance technologique ne suffit pas, il faut aussi gouverner les dĂ©lais administratifs, sĂ©duire les investisseurs et convaincre les riverains. La partie se joue dĂšs aujourdâhui, turbine par turbine, accord-cadre aprĂšs accord-cadre.
CapacitĂ©s installĂ©es : la France et lâEurope scrutĂ©es Ă la loupe đ
En 2025, la France se place au quatriĂšme rang europĂ©en pour la capacitĂ© Ă©olienne, forte de 24 GW raccordĂ©s dont 1,5 GW en mer. Si lâobjectif initial de 25 GW fixĂ© Ă lâhorizon 2020 nâa pas Ă©tĂ© tenu, la croissance annuelle de 1,6 GW enregistrĂ©e en 2023 a relancĂ© la dynamique. Au niveau europĂ©en, la barre des 255 GW franchie en 2024 masque des disparitĂ©s notables : lâAllemagne conserve son leadership, tandis que lâIrlande, avec 34 % dâĂ©lectricitĂ© dâorigine Ă©olienne, dĂ©montre quâun petit rĂ©seau peut porter de grands Ă©quilibres.
Pour prendre la mesure de ces Ă©carts, il suffit dâobserver la rĂ©partition rĂ©gionale en France : les Hauts-de-France (14,5 TWh) et le Grand Est (11,2 TWh) produisent la moitiĂ© du vent national. Cette polarisation pose Ă EDF Renewables et Nordex un dĂ©fi identique : oĂč implanter les prochaines turbines, alors que les poches de vent cĂŽtiĂšres se rarĂ©fient et que la rĂ©sistance locale sâintensifie ? Les deux groupes sâappuient sur des modĂšles distincts : le premier mise sur la diversification offshore, le second sur la densification onshore via des turbines 6 MW au facteur de charge boostĂ©.
Top 6 des pays Ă©oliens europĂ©ens 2024 đ© | CapacitĂ© installĂ©e (GW) | Part dans lâĂ©lectricitĂ© |
---|---|---|
Allemagne | 66 | 28 % |
Espagne | 35 | 24 % |
Royaume-Uni | 30 | 26 % |
France | 24 | 10 % |
SuĂšde | 16 | 20 % |
Italie | 12 | 7 % |
Des donnĂ©es de WindEurope et RWE Renewables confirment que la croissance de 16,1 GW en 2022 reste insuffisante : il faudrait 30 GW annuels dâici 2030 pour atteindre les jalons climatiques. EDF Renewables, en tĂȘte sur lâoffshore, et Nordex, concentrĂ© sur des fermes continentales denses, revendiquent chacun la solution miracle. La rĂ©alitĂ© est plus subtile : lâunion des approches semble inĂ©luctable.
- đ Observation clĂ© : lâoffshore couvre dĂ©jĂ 1 TWh en France, mais le onshore demeure Ă 48 TWh.
- đșïž Carte mentale : littoral atlantique pour EDF, couloir rhĂ©nan pour Nordex.
- đ° Capex : 1,3 MâŹ/MW en mer contre 1,0 MâŹ/MW Ă terre, selon les analystes Engie/Veolia.
Ce panorama chiffrĂ© laisse prĂ©sager la section suivante : comment EDF Renewables organise sa stratĂ©gie industrielle pour capter ces mĂ©gawatts manquantsâŠ
EDF Renewables : une stratĂ©gie industrielle intĂ©grĂ©e et inflexible đïž
LâADN de la filiale dâEDF est clair : intĂ©grer toute la chaĂźne, de la prospection Ă la maintenance, en sâappuyant sur un maillage territorial solide. Le projet phare ? Le parc de FĂ©camp et ses turbines de 7 MW. Avec 71 Ă©oliennes posĂ©es au large, lâinstallation injecte depuis mai 2024 prĂšs de 500 MW sur le rĂ©seau. Cette verticalitĂ© sâexprime aussi via son centre de contrĂŽle H24 basĂ© Ă Colombes, pilotant plus de 5 000 turbines dans le monde.
Pour conserver une longueur dâavance, lâentreprise multiplie les partenariats : GE Renewable Energy fournit les nacelles offshore, tandis que Bouygues rĂ©alise les fondations gravitaires. CĂŽtĂ© financement, EDF Renewables sâappuie sur des green bonds indexĂ©s sur les critĂšres ESG de la Taxonomie europĂ©enne. Lâatout maĂźtre ? La capacitĂ© Ă mutualiser les contrats dâachat dâĂ©lectricitĂ© (PPA) avec de grandes entreprises françaises, limitant ainsi lâexposition aux fluctuations de marchĂ©.
Le modÚle de déploiement accéléré
PlutĂŽt que dâaccumuler les dossiers, le groupe sâest engagĂ© dans un pipeline Ă©chelonnĂ© : chaque projet franchit trinĂŽmes « permis â raccordement â financement » en simultanĂ©. Exemple Ă Courseulles : la demande de permis a Ă©tĂ© couplĂ©e Ă la nĂ©gociation du tarif dâacheminement RTE, rĂ©duisant de 14 Ă 8 mois lâobtention finale.
- âïž Standardisation des mĂąts (90 m) pour faciliter la maintenance.
- đ Synergie avec TotalEnergies pour sĂ©curiser lâacier via des achats groupĂ©s.
- đ°ïž Planning compressĂ© : huit ans entre lâappel dâoffres et la mise en service, contre onze auparavant.
Cette efficacitĂ© sâillustre dans le tableau suivant :
Projet EDF Renewables đ ïž | Puissance (MW) | DĂ©lais globaux | Capex/MW |
---|---|---|---|
Fécamp (mer) | 497 | 8 ans | 1,25 M⏠|
Courseulles (mer) | 448 | 7,5 ans | 1,27 M⏠|
Champagnes Picardie (terre) | 102 | 5 ans | 0,95 M⏠|
Au-delĂ des chiffres, EDF Renewables soigne son image : bureaux dâinfo itinĂ©rants, fonds participatifs pour les communes, et mĂȘme un portail de suivi en temps rĂ©el de la production. Les riverains disposent dâun bouton « alerte bruits » ; un technicien intervient sous 48 h. Une manĆuvre de communication efficace pour contrer lâeffet Nimby.
Le contraste avec Nordex, moins vertical mais plus souple, sâannonce instructifâŠ
Nordex : lâart de la modularitĂ© et des partenariats agiles đ
FondĂ© Ă Hambourg, Nordex a bĂąti sa rĂ©putation sur des turbines adaptĂ©es aux vents moyens europĂ©ens. Lâargument commercial phare de 2025 ? La plate-forme Delta4000, offrant une puissance de 6 MW et un rotor de 163 m, assemblable en 14 jours grĂące Ă sa conception plug-and-play. Le constructeur mise sur un rĂ©seau serrĂ© de partenaires locaux pour lâinstallation : Eiffage en France, Acciona en Espagne, et de plus en plus Iberdrola pour des contrats clĂ© en main.
Une logistique pensĂ©e pour lâEurope intĂ©rieure
Contrairement Ă EDF Renewables, Nordex nâexploite pas directement les parcs : il vend, puis assure O&M. Cette stratĂ©gie allĂšge son bilan tout en sĂ©curisant un flux rĂ©current de maintenance. Exemple Ă la ferme de lâAveyron : douze turbines N163 installĂ©es en 2024 ont Ă©tĂ© livrĂ©es par convoi ferroviaire jusquâĂ Rodez, puis par camions Ă©lectriques sur 50 km â un cas dâĂ©cole en dĂ©carbonation du transport lourd.
- đ Transport mix rail/route pour 60 % des convois 2024.
- đ Recyclage des pales : 95 % de matiĂšres valorisĂ©es grĂące Ă un procĂ©dĂ© pyrolytique.
- đ Factor de charge visĂ© : 36 % dans le nord de lâEspagne, soit +3 points sur la moyenne europĂ©enne.
Ces performances sont monitorĂ©es par la plateforme SCADA « Nordex Control 4 ». Les clients reçoivent des alertes prĂ©dictives, rĂ©duisant de 30 % les arrĂȘts non planifiĂ©s. En 2025, plus de 6 GW sous contrat utilisent cette solution, ce qui confĂšre au constructeur un jeu de donnĂ©es inĂ©galĂ© pour affiner ses courbes de puissance.
La section suivante dĂ©pliera le duel technologique entre ces deux acteurs et les gĂ©ants Siemens Gamesa ou VestasâŠ
Duel technologique : turbines XXL, digital twins et matĂ©riaux composites âĄ
Du cĂŽtĂ© innovations, Siemens Gamesa et Vestas restent les rĂ©fĂ©rences. Siemens Gamesa a dĂ©voilĂ© en 2024 sa turbine SG 14-236 DD de 14 MW, tandis que Vestas mise sur la V236 â 15 MW, attendue pour 2026. Entre ces mastodontes, EDF Renewables sâaligne via un partenariat avec GE Renewable Energy pour Ă©quiper ses parcs futurs dâHalide X (17 MW). Nordex, lui, prĂ©fĂšre jouer la compatibilitĂ© ascendante : sa gamme 6 MW peut ĂȘtre reconfigurĂ©e par simple changement de pale, un argument pour les dĂ©veloppeurs cherchant Ă upgrader sans refaire le permis.
- đ„ïž Digital twins : simulation temps rĂ©el de la fatigue structurelle pour anticiper les interventions.
- đȘ” MatĂ©riaux biosourcĂ©s : Enercon teste une poutre en lin, pesant 15 % de moins quâune poutre en verre.
- đ·ïž SĂ©rialisation blockchain des piĂšces critiques, afin de tracer lâorigine et la fin de vie.
Lâenjeu nâest plus seulement de produire plus, mais de produire mieux : moins de terres rares, plus de maintenance prĂ©dictive. Câest ici que la R&D dâEDF Renewables rejoint celle de RES, son concurrent historique, pour dĂ©velopper des pales segmentĂ©es. Objectif : franchir le seuil de transport de 75 m dâun seul tenant, bloquant encore de nombreux projets onshore alpins.
La sophistication technique mĂ©rite une traduction financiĂšre et partenariale. Place aux montages Ă©conomiques glacĂ©s et aux alliances stratĂ©giquesâŠ
Montages financiers et alliances : le facteur clĂ© des gigawatts đ¶
Ă coups de Green Bonds et de Corporate PPAs, le financement des parcs nâa jamais Ă©tĂ© aussi crĂ©atif. RWE Renewables a bouclĂ© en 2024 une levĂ©e hybride de 2 Mds ⏠indexĂ©e sur le prix du carbone. EDF Renewables suit la mĂȘme voie, flĂ©chant 500 M⏠sur la reconversion industrielle des ports de Saint-Nazaire. Nordex, plus lĂ©ger, recourt Ă des obligations convertibles pour abaisser son coĂ»t de lâeuro levĂ©.
- đ Contrats dâĂ©cart (CfD) : mĂ©canisme utilisĂ© au Royaume-Uni, garantissant un prix plancher.
- đ Partenariats industriels : Enel Green Power, Iberdrola et TotalEnergies co-investissent dans des hubs logistiques partagĂ©s.
- đ± Fonds citoyens : 15 % du capital des parcs EDF en Occitanie est ouvert aux particuliers depuis 2023.
Le schĂ©ma suivant illustre la structure dâun projet :