Fin 2025, l’Amérique du Nord vit un virage énergétique sans précédent : les mégawatts verts remplacent progressivement les gigawatts fossiles, et deux colosses tracent la voie. D’un côté, NextEra Energy, héritier de la tradition utilitaire floridienne, multiplie les fermes solaires XXL et revendique la première place mondiale en éolien terrestre. De l’autre, Brookfield Renewable Partners orchestre de subtils arbitrages d’actifs pour bâtir un empire global allant des chutes d’eau québécoises aux déserts chiliens. Derrière le duel, un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars, une course à l’investissement durable et des batailles réglementaires dignes d’un House of Cards énergétique. Les analystes s’interrogent : qui, des deux géants, finira par dominer le marché nord-américain de l’énergie ? Les pages qui suivent décortiquent la question sous huit angles complémentaires, chiffres, anecdotes et mises en perspective à l’appui.
Panorama actuel du marché nord-américain de l’énergie renouvelable
Le continent nord-américain a vu sa capacité installée en production d’électricité verte passer de 250 GW en 2015 à plus de 520 GW en 2025 selon l’Agence Internationale de l’Énergie. Ce quasi-doublement s’explique par une baisse drastique des coûts : –69 % pour le solaire et –41 % pour l’éolien sur la même période. Les gouverneurs et premiers ministres régionaux rivalisent désormais d’objectifs “zéro carbone” à l’horizon 2040-2050. Les États-Unis ont réintroduit un crédit d’impôt fédéral de 30 % pour les nouveaux parcs solaires équipés d’onduleurs intelligents, tandis que le Canada propose un amortissement fiscal accéléré pour tout stockage couplé à de l’hydroélectricité.
Dans ce contexte, plusieurs tendances structurent le marché :
- ⚡ Démultiplication des contrats PPA : Amazon, Apple ou encore Ford préfèrent signer des Power Purchase Agreements de 15 ans avec des producteurs indépendants plutôt que d’acheter l’énergie sur le marché spot.
- 📉 Compression des marges : la concurrence fait rage, notamment depuis l’arrivée d’acteurs oil & gas en reconversion.
- 🌐 Numérisation : le jumeau numérique d’une ferme éolienne permet de réduire les coûts de maintenance de 18 % en moyenne selon Deloitte.
Les gagnants sont ceux capables de sécuriser des volumes tout en gardant de la flexibilité. Or, NextEra Energy et Brookfield Renewable Partners proposent justement deux stratégies radicalement différentes pour arriver au même but : le leadership continental.
Segment 2025 | Capacité installée (GW) 😊 | Taux de croissance annuel 📈 |
---|---|---|
Solaire | 210 | +11 % |
Éolien terrestre | 190 | +7 % |
Hydroélectricité | 90 | +1 % |
Stockage batterie | 30 | +29 % |
💡 On remarque que l’hydro reste relativement stable ; c’est un atout clé pour Brookfield qui exploite la majorité de ses barrages depuis plus de vingt ans. La croissance s’emballe plutôt côté solaire et stockage, territoires de prédilection de NextEra.
Rôle des politiques publiques dans la montée en puissance des énergies vertes
En 2023, le Congrès américain a voté l’American Green Infrastructure Act, débloquant 280 milliards de dollars de subventions directes pour les ressources renouvelables, y compris l’extension des crédits d’impôt à l’hydrogène vert. Le Québec a riposté avec un programme baptisé “Éole-Nord” visant 15 GW d’éolien additionnel. Ces mesures renforcent le besoin de développeurs solvables, capables d’absorber les capitaux et de livrer rapidement. C’est précisément là que Brookfield et NextEra s’affrontent : l’un mise sur la diversification internationale, l’autre sur un ancrage domestique ultra-optimisé.
La section suivante plonge dans le fonctionnement interne de NextEra pour comprendre comment une simple entreprise de distribution floridienne s’est hissée au rang de titan renouvelable.
Modèle économique de NextEra Energy : de la Floride au leadership continental
Historiquement, NextEra était une filiale de service public classique : Florida Power & Light (FPL) fournissait l’électricité aux foyers de Miami à West Palm Beach. À la fin des années 2000, l’entreprise déploie un plan audacieux : convertir les fonds dégagés par son activité réglementée vers de gigantesques projets renouvelables via la division NextEra Energy Resources. Aujourd’hui, la firme gère plus de 22 GW d’éolien et solaire, mais son caractère hybride — moitié utility, moitié développeur indépendant — demeure son arme secrète.
Le modèle tient sur quatre piliers :
- 🏛️ Base régulée solide : FPL apporte un EBITDA stable, soutenu par un cadre tarifaire favorable qui autorise un retour sur capital de 10,6 %.
- 🔄 Réinvestissement continu : chaque dollar économisé sur la distribution est réorienté vers de nouveaux actifs propres.
- 🛠️ Intégration verticale : NextEra construit, opère et vend parfois une partie de ses parcs à son MLP “NextEra Energy Partners”, libérant du cash pour le cycle suivant.
- 📚 Culture data-driven : l’entreprise analyse 35 millions de points de données météo par jour pour optimiser la production.
En 2025, l’entreprise annonce un backlog de 16 GW—dont 6 GW de solaire en Texas— capable de générer 4,5 milliards de dollars de flux de trésorerie disponible sur cinq ans. Les analystes de BofA estiment qu’un tiers de ces revenus proviendra d’accords signés avec des constructeurs automobiles investissant massivement dans les usines de batteries.
Pour illustrer cette stratégie, prenons le cas du parc “Manatee Solar-Storage”, 409 MW photovoltaïques couplés à 900 MWh de batteries : la puissance injectée au réseau coïncide avec le pic de climatisation estivale — un atout majeur en Floride où les pointes de consommation explosent à 18 h. NextEra a délibérément sous-dimensionné les panneaux pour maximer la décharge batterie au bon moment, un design que beaucoup considèrent comme le futur standard.
- ⚙️ Rendement interne du projet : 13 %.
- ⌛ Temps de construction : 26 mois, record national.
- 💲 Économie sur le tarif réseau : 0,6 cent/kWh pour FPL.
En parallèle, NextEra ambitionne un dividend growth de 10 % par an jusqu’en 2026, un élément qui séduit les fonds de pension à la recherche d’obligations déguisées en actions. Cette capacité à transformer la croissance verte en cash-flow tangible donne à NextEra un avantage perçu face à Brookfield — plus diversifié certes, mais aussi plus volatil.
La vidéo ci-dessus raconte la genèse de Manatee, et souligne comment l’étroite collaboration avec Tesla Energy (cf. Tesla-SolarCity Solutions) a renforcé la compétitivité du duo solaire-stockage.
Brookfield Renewable Partners : l’art du recyclage de capital et de la diversification
L’ADN de Brookfield est antérieur à la vague verte : fondé à Montréal en 1899 sous le nom “Brascan”, le groupe gérait des tramways et barrages au Brésil. Sa stratégie millénaire ? Acheter des actifs sous-valorisés, extraire des rendements, puis réallouer les capitaux vers de nouvelles niches. En 2025, Brookfield Renewable Partners possède ou co-exploite plus de 8 000 actifs dans 20 pays pour une capacité totale de 29 GW, dont 7 GW d’éolien, 9 GW de solaire et 13 GW d’hydroélectricité.
Le géant canadien s’appuie sur une “machine à recycler” : il revend des installations arrivées à maturité—souvent à des assureurs ou fonds de pension européens—afin de financer des projets plus rentables. Le récent exemple du Trans-Alta Hydro Portfolio en Colombie-Britannique vendu pour 1,8 milliard $ illustre ce mécanisme. Grâce à cette cession, Brookfield injecte immédiatement 600 millions $ dans un cluster solaire chilien garantissant un IRR de 15 % indexé sur l’inflation locale.
- 💧 55 % du cash-flow 2025 provient de l’hydro, source rassurante pour les créanciers.
- 🌞 30 % émane du solaire, notamment via l’acquisition de 400 MW en Inde.
- 🌬️ 15 % se répartit sur l’éolien, moins stable mais disposant d’aides publiques au Brésil.
Le groupe vise une croissance de 10 % par action jusqu’en 2030, en ligne avec l’objectif de relever son dividende entre 5 % et 9 % par an. Pour atteindre ces ambitions, Brookfield mise aussi sur des partenariats, tel le rachat partiel du français Neoen cet été—annonce qui a ébranlé la place parisienne.
Au plan opérationnel, Brookfield déploie un logiciel propriétaire baptisé “HydraOS” : il synchronise en temps réel la puissance de 82 barrages et 45 fermes éoliennes pour maximiser la valeur sur les marchés de capacité. L’anecdote favorite des traders : lors de la tempête de février 2024 au Texas, HydraOS a détecté deux heures à +238 $/MWh et a rerouté instantanément le flux hydro depuis l’Ontario via les interconnexions MISO. Bilan : 14 millions $ de marge additionnelle en une nuit.
Cette agilité séduit les investisseurs, mais elle comporte un risque : l’endettement net atteint 4,9 fois l’EBITDA, contre 3,1 pour NextEra. L’agence Fitch maintient néanmoins la note à BBB+, pariant sur la qualité de l’actif hydro, souvent amorti depuis des décennies.
Comparaison des portefeuilles : solaire, éolien, hydroélectricité – qui produit quoi ?
Pour éclairer la bataille, rien de tel qu’un tableau comparatif condensant les forces respectives des deux concurrents. Les données 2025 proviennent des rapports annuels et des estimations Wood Mackenzie.
Technologie ⚙️ | NextEra Energy (GW) | Brookfield Renewable (GW) | Commentaire 📌 |
---|---|---|---|
Solaire | 12,5 | 9 | NextEra domine dans le sun-belt américain. |
Éolien terrestre | 10 | 7 | Écart réduit grâce aux achats de Brookfield au Brésil. |
Éolien offshore | 0,6 | 1,3 | Brookfield a repris 49 % d’Orsted Hornsea III. |
Hydroélectricité | 0,9 | 13 | Avantage écrasant pour Brookfield. |
Stockage batterie | 4,2 | 1,1 | NextEra investit massivement dans le lithium-fer-phosphate. |
🤔 On constate que Brookfield capitalise sur l’ampleur de son parc hydro, véritable “obligation flottante” productrice de cash, tandis que NextEra cherche la flexibilité via le stockage et l’éolien rapide à construire. Cette dualité se retrouve dans leur vision de la transition : Brookfield parle de “plateforme mondiale de rendement”, NextEra de “réseau propre à haute résilience”.
Insertion dans les chaînes de valeur régionales
L’écosystème renouvelable devient un jeu d’intégration. NextEra a passé commande de 15 000 onduleurs chez SMA – Fronius (voir analyse SMA-Fronius) et 800 MW d’éoliennes Vestas (comparatif Vestas vs Siemens-Gamesa). Brookfield privilégie des turbines Nordex pour ses parcs brésiliens, moins chères mais plus gourmandes en maintenance. Sur le solaire, il coopère avec Canadian Solar, un acteur détaillé dans l’étude SunPower vs Canadian Solar. Le choix technologique influence non seulement les performances mais aussi l’acceptabilité locale : un module canadien “low-carbon” bénéficie souvent d’un bonus dans les appels d’offres publics.
- 🛡️ Certification bas-carbone : +3 pts dans l’appel d’offres new-yorkais 2024.
- 📦 Réduction des coûts logistiques : –8 % grâce aux panneaux assemblés en Ontario.
- 🤝 Partenariats industriels : contrat de recyclage des pales avec Veolia-Engie (détails ici).
Comparateur interactif : NextEra Energy vs Brookfield Renewable Partners
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